Projection “Des Animaux” en présence de Christian Milovanoff

Des Animauxprojection grand public en présence de Christian Milovanoff 

9 octobre 2024 à 18h30
Auditorium de L’École nationale supérieure de la photographie
30 avenue Victor Hugo – 13200 Arles

Des Animaux par MIchel Poivert, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, historien de la photographie

« Des Animaux est une œuvre puissante et délicate, je me dis en achevant son visionnage qu’avec les Bureauxles Musées (les tableaux)les Zoos forment ta grande trilogie. Portraitiste du travail, de l’art et de l’animal, manière à chaque fois de regarder le monde, de tenter de l’englober, de le traverser plutôt et d’analyser nos cosmogonies, nos rituels, nos désirs. Les Bureaux disaient la fin d’un monde, les Musées l’intériorisation des désirs, les Zoos ont quelque chose d’une oraison funèbre de l’exotisme. Avec Des animaux, nous voilà au cœur du vivant et au plus proche de la mort d’une civilisation. Des Animaux résonne profondément aujourd’hui. J’y vois le deuil anticipé des images et des animaux. Les images, telle que tu l’entends, moi je dirais les photographies, sont désormais au musée (au zoo de la création), les animaux dans leur insigne beauté sont en passe de devenir des œuvres d’art, c’est-à-dire des objets rituels. L’histoire du zoo et du musée c’est aussi dans ton récit l’histoire de l’enfance, cette fameuse enfance avec laquelle il faut bien un jour se réconcilier. C’est le travail de la voix. Mais il y des conciliations au présent impossible : Des Animaux c’est nous aujourd’hui. Soit l’impossibilité de faire tenir l’esthétique et l’éthique sur une balance sans perdre l’équilibre. Les « exilés”, quel terme juste lorsqu’il s’agit de cette beauté en cage ! Des Animaux c’est esthétiquement l’inverse Du Sang des bêtes de Franju, parce qu’aujourd’hui l’horreur ne dit plus rien de la mort lente dont les zoos nous tendent le miroir. La barbarie s’est habillée de mille beautés que l’on croyait pouvoir collectionner, des animaux comme des tableaux animés que l’on verrait s’éteindre. Des Animaux est un manifeste ambivalent : s’il faut en finir avec les zoos, cela signifie-t-il qu’il faut en finir avec les images ? Du moins avec quelque chose de l’image qui ne va pas, qui ne va plus. Tu as je crois de l’image une conception issue de la modernité baudelairienne, une conception noble et triviale en même temps, qui a fait que les images ont été la seule vraie tentative de démocratisation de l’art. Mais l’art avance là où il n’y a pas d’image. Or, les images ne reculent pas devant l’art. Des Animaux a quelque chose de cette relation impossible. La beauté des êtres condamnés à n’être plus que des images animées tient l’art à distance, ici il faudrait dire la liberté à distance. Les dioramas, panoramas et autres dispositifs de divertissement dont les zoos sont l’extension au domaine du vivant apparaissent dans leur désuétude proprette qui est celle du moderne, les zoos devraient êtres eux-mêmes collectionnés, un zoo de zoos pour dire : voilà le monde des colonies, lorsque tout a commencé, lorsque le grand partage du monde entre les puissants s’est produit, lorsque les savants nommaient les êtres, la complicité des Lumières et de l’ombre des dominations. Des Animaux – cette collection de zoos – est une œuvre sur l’appropriation et sur l’esclavagisation de la beauté. C’est la fresque d’une civilisation qui s’éteint, et nous sommes dans cette fresque, les enfants de ce monde qui s’achève, les écrans noirs du film sont nos paupières qui peu à peu se ferment, et nous seront recouverts par l’odeur des litières. »

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